L'IMPACT MAJEUR DU STREAMING.
Avant d’évoquer l’empreinte carbone de la video, notons que le numérique représente à ce jour près de 4 % des émissions carbonées mondiales – soit davantage que le transport aérien civil – et voit son impact augmenter de 8 % par an.
Ainsi, alors que la contrainte climatique nous mène à viser une diminution des émissions mondiales dans les prochaines années, celles du Numérique pourraient doubler d’ici 2025 pour atteindre 8 % du total – ce qui correspond à la part des véhicules légers actuellement.
S’agissant de circonscrire l’impact de la video, il faut savoir que la l’empreinte carbone de la video en ligne a engendré 306 millions de tonnes de CO2 en 2018.
Les émissions de gaz à effet de serre des services de vidéo à la demande (de type Netflix ou Amazon Prime) équivalent à celles d’un pays comme le Chili (plus de 100 MtCO,eq/an, soit près de 0,3 % des émissions mondiales).
Il ne s’agit pas évidemment de culpabiliser les utilisateurs : les plateformes de diffusion (leur design, le modèle économique sous-jacent, les métriques d’adhésion, etc.) ont un rôle central dans la forme que prennent les usages, et donc leur impact environnemental. Ainsi, les usages ne sont pas le simple résultat des comportements de consommation individuels, mais bien en grande partie le produit d’un système.
LA REGULATION EST UN ENJEU SOCIETAL REALISTE.
La régulation en faveur d’une société est compatible avec le principe de “neutralité” du net, lequel concerne la signification des contenus, pas leur volume. La sobriété numérique vise à rendre le système numérique résilient, en le gérant comme un bien commun. Prioriser les usages, c’est en apprécier les pertinences respectives. Or l’évaluation de la pertinence sociétale va bien au-delà d’une évaluation environnementale technique, et doit être réalisée à l’échelle de la société.
Cette évaluation doit s’appuyer sur les outils déjà disponibles de la sociologie des usages et sur les compétences des régulateurs déjà existants (en France : ARCEP, CNIL, CSA, Hadopi ; en Europe : BEREC).
La réflexion concernant la régulation des contenus haineux en ligne montre qu’une discussion sérieuse est possible, lorsqu’est identifié un risque pour l’intégrité de la société. Pourquoi ne le ferait-on pas lorsqu’il s’agit de limiter l’empreinte carbone de la video et plus globalement du numérique. A l’heure où l’on évoque un « état d’urgence climatique », le risque sociétal lié aux contraintes environnementales est bel et bien avéré.Face aux limites planétaires, ne pas choisir, c’est potentiellement laisser la surconsommation de pornographie restreindre mécaniquement le débit disponible pour la télémédecine, laisser l’usage de Netflix diminuer l’accès à Wikipédia.
Au 21ème siècle, ne pas choisir n’est plus une option viable.